Mission au cœur du lait sénégalais

Forte de 200.000 éleveurs et d’une demande en produits laitiers croissante, la filière laitière sénégalaise est supposée être en plein développement au bénéfice de l’économie locale. Cependant, les éleveurs font face à de multiples obstacles dont le premier se situe au niveau de la production. Récit d’une mission au cœur de la production laitière.

Accompagnée de deux volontaires expérimentées en prise d’images, j’embarquais fin novembre 2018 pour une mission au Sénégal à la rencontre des acteurs de la filière du lait.  Au programme : rencontres d’éleveurs bovins et caprins, interviews d’organisations de bases et faîtières, échanges avec des employés de mini-laiteries et d’entreprises laitières, discussions avec des chercheurs et rendez-vous avec des autorités locales. Bien informées de la concurrence que crée l’exportation du lait européen en Afrique de l’Ouest, nous nous attendions à voir des éleveurs et des organisations de base profiter de notre passage pour pester contre le lait européen déversé sur leur marché. Mais les histoires individuelles des producteurs ne se ressemblent pas. Chacun partage sa manière de vivre la situation et donne du relief aux enjeux que revêt la question de la production de lait dans ce contexte.

Un système complexe

Les histoires de Dienaba et Lebol sont illustratrices. Tous deux petits producteurs, ils ont bénéficié d’appuis similaires d’un programme national visant à développer le potentiel laitier du pays : une étable pour la stabulation et une vache dont la production devrait être supérieure à celle des vaches locales. D’une part la vieille dame transmet une résilience incroyable face à un appui prometteur qui n’a finalement pas porté ses fruits et même pire, qui semble lui avoir causé du tort. D’autre part, le jeune homme partage l’espoir grandissant d’une activité lourde et risquée financièrement mais dont le potentiel semble réel et à portée de main.

De même, l’autorité locale du département visité nous affirmait l’importance de pouvoir importer des vaches à haut rendement et la stratégie du gouvernement développée dans ce sens. Le vétérinaire de la grande ferme Wayembam nous racontait, lui, comment la majorité des vaches hollandaises importées étaient mortes en arrivant en terre sahélienne, sans doute pour des raisons climatiques.

Cette même autorité nous parla du projet pilote de parcelle fourragère qui devrait être développé dans les villages pour assurer l’alimentation du bétail pendant les mois de sécheresse. À quelques kilomètres de là, Djimbiba partage effectivement le rêve de pouvoir avoir sa propre parcelle fourragère, mais n’ayant pas accès à l’eau pour faire boire ses bêtes, la réalité de cette vision semble encore bien lointaine.

La production laitière sénégalaise est complexe. La mission lait nous rappelle que derrière chaque théorie se racontent des vies individuelles emprises de quotidien. La lutte pour un réel bénéfice du potentiel laitier sénégalais sera gagnée si ces histoires ne sont pas uniformisées et si par ailleurs, les aspects liés à la collecte, à la transformation et à la commercialisation de cette production sont pris en compte.

Anne-Laure VAN DER WIELEN, Responsable Mobilisation chez SOS Faim.
crédit photo ©Simply Human